Франція. Les Mille et Une Nuits V

 

Contes Arabes

Les Mille et Une Nuits V

 

J’offrais peu de chose, il est vrai ; mais c’était beaucoup, à ce qu’il me paraissait, par rapport à l’excès d’avarice qui s’était emparée tout à coup de mon cœur, depuis qu’il m’avait fait cette confidence ; et je regardais les soixante-dix-neuf charges qui devaient rester comme presque rien, en comparaison de celle dont je me priverais en la lui abandonnant.

Le derviche, qui vit ma passion étrange pour les richesses, ne se scandalisant pourtant pas de l’offre déraisonnable que je venais de lui faire : « Mon frère, me dit-il sans s’émouvoir, vous voyez bien vous- même que ce que vous m’offrez n’est pas proportionné au bienfait que vous demandez de moi. Je pouvais me dispenser de vous parler du trésor et garder mon secret ; mais ce que j’ai bien voulu vous en dire peut vous faire connaître la bonne intention que j’avais et que j’ai encore, de vous obliger et de vous donner lieu de vous souvenir de moi à jamais, en faisant votre fortune et la mienne. J’ai donc une autre proposition plus juste et plus équitable à vous faire ; c’est à vous de voir si elle vous accommode. Vous dites, continua le derviche, que vous avez quatre-vingts chameaux ; je suis prêt à vous mener au trésor ; nous les chargerons, vous et moi, d’autant d’or et de pierreries qu’ils en pourront porter, à condition que, quand nous les aurons chargés, vous m’en céderez la moitié avec leur charge et que vous retiendrez pour vous l’autre moitié ; après quoi nous nous séparerons, et les emmènerons où bon nous semblera, vous de votre côté, et moi du mien.

Vous voyez que le partage n’a rien qui ne soit dans l’équité et que, si vous me faites grâce de quarante chameaux, vous aurez aussi, par mon moyen, de quoi en acheter un millier d’autres. »

Je ne pouvais disconvenir que la condition que le derviche me proposait ne fût très équitable. Sans avoir égard néanmoins aux grandes richesses qui pouvaient m’en revenir en l’acceptant, je regardais comme une grande perte la cession de la moitié de mes chameaux, particulièrement quand je considérais que le derviche ne serait pas moins riche que moi. Enfin je payais déjà d’ingratitude un bienfait purement gratuit, que je n’avais pas encore reçu du derviche ; mais il n’y avait pas à balancer : il fallait accepter la condition ou me résoudre à me repentir toute ma vie d’avoir, par ma faute, perdu l’occasion de me faire une haute fortune.

Dans le moment même, je rassemblai mes chameaux et nous partîmes ensemble. Après avoir marché quelque temps, nous arrivâmes dans un vallon assez spacieux, mais dont l’entrée était fort étroite. Mes chameaux ne purent passer qu’un à un ; mais, comme le terrain s’élargissait, ils trouvèrent moyen d’y tenir tous ensemble sans s’embarrasser. Les deux montagnes qui formaient ce vallon, en se terminant en un demi-cercle à l’extrémité, étaient si élevées, si escarpées et si impraticables, qu’il n’y avait pas à craindre qu’aucun mortel nous pût jamais apercevoir.

Quand nous fûmes arrivés entre ces deux montagnes : « N’allons pas plus loin, me dit le derviche ; arrêtez vos chameaux et faites-les coucher sur le ventre dans l’espace que vous voyez, afin que nous n’ayons pas de peine à les charger ; et, quand vous aurez fait, je procéderai à l’ouverture du trésor. »

Je fis ce que le derviche m’avait dit, et je l’allai rejoindre aussitôt. Je le trouvai un fusil à la main, qui amassait un peu de bois sec pour faire du feu. Dès qu’il en eut fait, il y jeta du parfum, en prononçant quelques paroles dont je ne compris pas bien le sens, et aussitôt une grosse fumée s’éleva en l’air. Il sépara cette fumée ; et, dans le moment, quoique le roc qui était entre les deux montagnes et qui s’élevait fort haut en ligne perpendiculaire parût n’avoir aucune apparence d’ouverture, il s’en fit une, grande au moins comme une espèce de porte à deux battants, pratiquée dans le même roc et de la même matière, avec un artifice admirable.

Cette ouverture exposa à nos yeux, dans un grand enfoncement creusé dans le roc, un palais magnifique, pratiqué plutôt par le travail des génies que par celui des hommes : car il ne paraissait pas que des hommes eussent pu même s’aviser d’une entreprise si hardie et si surprenante.

Mais, commandeur des croyants, c’est après coup que je fais cette observation à Votre Majesté ; car je ne la fis pas dans le moment. Je n’admirai pas même les richesses infinies que je voyais de tous côtés ; et, sans m’arrêter à observer l’économie qu’on avait gardée dans l’arrangement de tant de trésors, comme l’aigle fond sur sa proie, je me jetai sur le premier tas de monnaie d’or qui se présenta devant moi et je commençai à en mettre dans un sac dont je m’étais déjà saisi, autant que je jugeai pouvoir en porter. Les sacs étaient grands, et je les eusse volontiers emplis tous ; mais il fallait les proportionner aux forces de mes chameaux.

Le derviche fit la même chose que moi ; mais je m’aperçus qu’il s’attachait plutôt aux pierreries ; et, comme il m’en eut fait comprendre la raison, je suivis son exemple et nous enlevâmes beaucoup plus de toute sorte de pierres précieuses que d’or monnayé. Nous achevâmes enfin d’emplir tous nos sacs, et nous en chargeâmes les chameaux. Il ne restait plus qu’à refermer le trésor et nous en aller.

Avant que de partir, le derviche rentra dans le trésor ; et, comme il y avait plusieurs grands vases d’orfèvrerie de toute sorte de façons, et d’autres matières précieuses, j’observai qu’il prit dans un de ces vases une petite boîte d’un certain bois qui m’était inconnu, et qu’il la mit dans son sein, après m’avoir fait voir qu’il n’y avait qu’une espèce de pommade.

Le derviche fit la même cérémonie, pour fermer le trésor, qu’il avait faite pour l’ouvrir ; et, après qu’il eut prononcé certaines paroles, la porte du trésor se referma et le rocher nous parut aussi entier qu’auparavant.

Alors nous partageâmes nos chameaux, que nous fîmes lever avec leurs charges. Je me mis à la tête des quarante que je m’étais réservés, et le derviche se mit à la tête des autres, que je lui avais cédés.

Nous défilâmes par où nous étions entrés dans le vallon, et nous marchâmes ensemble jusqu’au grand chemin où nous devions nous séparer, le derviche pour continuer sa route vers Balsora, et moi pour revenir à Bagdad. Pour le remercier d’un si grand bienfait, j’employai les termes les plus forts et ceux qui pouvaient lui marquer davantage ma reconnaissance de m’avoir préféré à tout autre mortel pour me faire part de tant de richesses. Nous nous embrassâmes tous deux avec bien de la joie ; et, après nous être dit adieu, nous nous éloignâmes, chacun de notre côté.

Je n’eus pas fait quelques pas pour rejoindre mes chameaux, qui marchaient toujours dans le chemin où je les avais mis, que le démon de l’ingratitude et de l’envie s’empara de mon cœur. Je déplorais la perte de mes quarante chameaux et encore plus les richesses dont ils étaient chargés. « Le derviche n’a plus besoin de toutes ces richesses, disais-je en moi-même ; il est le maître des trésors, et il en aura tant qu’il voudra. » Ainsi, je me livrai à la plus noire ingratitude et je me déterminai tout à coup à lui enlever ses chameaux avec leurs charges.

Pour exécuter mon dessein, je commençai par faire arrêter mes chameaux ; ensuite je courus après le derviche, que j’appelai de toute ma force, pour lui faire comprendre que j’avais encore quelque chose à lui dire, et je lui fis signe de faire aussi arrêter les siens et de m’attendre. Il entendit ma voix et il s’arrêta.

Quand je l’eus rejoint « Mon frère, lui dis-je, je ne vous ai pas eu plus tôt quitté, que j’ai considéré une chose à laquelle je n’avais pas pensé auparavant et à laquelle peut-être n’avez-vous pas pensé vous- même. Vous êtes un bon derviche, accoutumé à vivre tranquillement, dégagé du soin des choses du monde et sans autre embarras que celui de servir Dieu. Vous ne savez peut-être pas à quelle peine vous vous êtes engagé en vous chargeant d’un si grand nombre de chameaux. Si vous vouliez me croire, vous n’en emmèneriez que trente, et je crois que vous aurez encore bien de la difficulté à les gouverner. Vous pouvez vous en rapporter à moi ; j’en ai l’expérience.

—        Je crois que vous avez raison, reprit le derviche, qui ne se voyait pas en état de pouvoir me rien disputer ; et j’avoue, ajouta-t-il, que je n’y avais pas fait réflexion. Je commençais déjà à être inquiet sur ce que vous me représentez. Choisissez donc les dix qu’il vous plaira, emmenez-les et allez à la garde de Dieu. »

J’en mis à part dix ; et, après les avoir détournés, je les mis en chemin pour qu’ils allassent se mettre à la suite des miens. Je ne croyais pas trouver dans le derviche une si grande facilité à se laisser persuader. Cela augmenta mon avidité et je me flattai que je n’aurais pas plus de peine à en obtenir encore dix autres.

En effet, au lieu de le remercier du riche présent qu’il venait de me faire : « Mon frère, lui dis-je encore, par l’intérêt que je prends à votre repos, je ne puis me résoudre à me séparer d’avec vous sans vous prier de considérer encore une fois combien trente chameaux chargés sont difficiles à mener, à un homme comme vous particulièrement, qui n’est pas accoutumé à ce travail. Vous vous trouveriez beaucoup mieux si vous me faisiez une grâce pareille à celle que vous venez de me faire. Ce que je vous en dis, comme vous le voyez, n’est pas tant pour l’amour de moi et pour mon intérêt que pour vous faire un plus grand plaisir. Soulagez-vous donc de ces dix autres chameaux sur un homme comme moi, à qui il ne coûte pas plus de prendre soin de cent que d’un seul. »

ficultd�ds� � t’aient rebuté ; mais apprends que je ne t’ai fait faire un si long voyage que pour t’éprouver. je vois que tu as du courage et de la fermeté. Tu mérites que je te rende le plus riche et le plus heureux prince de la terre. Retourne à Balsora ; tu trouveras dans ton palais des richesses immenses. Jamais roi n’en a possédé tant qu’il y en a. »

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